La vie de Benoit Vieubled, votre créateur de lumière à Biscarrosse

 

PORTRAIT Benoît VIEUBLED

Sur tous ses chemins, Benoît Vieubled demeure peintre. C’est Évident dans ce goût de dessiner qui est à l'origine d'une série en cours, de visages, d’animaux, de nus qui se reflètent subtilement sur le mur derrière la lampe, donnant l’impression d’une écriture par-devers soi, comme échappée d'un miroir.
Plus généralement, à la façon dont un peintre compose son tableau, l’artiste met en scène et en espace les éléments de l'objet, s’efforçant de surprendre et de suspendre à la fois, de créer des contrepoints, de se jouer du langage des lustres, par inversion ou accumulation. Il cherche des lignes et convoque à chaque instant la matière. Depuis 1997 créateur libre, après des études à l'institut des Arts Visuels à Orléans et après avoir lui-même enseigné la peinture, son art (en particulier les Luminaires) s'affirme volontairement hybride, entre installation, pièces d'artiste, design, artisanat d’art. Ses mappemondes lumineuses, “Monde à l’endroit-Monde à l'envers, on fait elles-mêmes le tour du monde.

Lorsqu'on rentre dans son show-room Ex Nihilo, où il expose son travail de manière permanente et puis, après une cour à l'italienne, dans son atelier, une sensation de profusion, de fourmillement d'idées était immédiate. Il y a un peu d'un explorateur chez cet homme, mais qui ramène ses trésors avant tout de son imaginaire, celui-là même qui fait sa singularité depuis l’enfance. Des objets d'ailleurs, des traces de voyage vraiment lointains, il y en a, bois du Mali, feuilles d’or de Birmanie, montrant sa volonté de ramener de chaque pays l’élément d’un grand puzzle, dont chaque pièce devra trouver comment s'imbriquer à une autre, par la volonté de l'inattendu.

A voir tant d'œuvres de Benoît Vieubled en une même pièce, on pourrait utiliser l'expression d'un cabinet de curiosités, et il est vrai qu’une série résultant d'une commande en utilise les codes. Mais quand le regard se pose pièce par pièce, délaissant soudain le foisonnement, nous comprenons que ces oeuvres possèdent, dans leurs détours et sinuosités de pensées, de matières, une vraie cohérence, avec, paradoxalement en cette abondance, une recherche profonde de dépouillement.

C'est là que l’art de Benoît Vieubled apparaît alors dans ses fondements et sa singularité : la légèreté, la fragilité, la transparence. 

Même les objets du quotidien se définissent soudain par ces trois mots : ainsi, par exemple, un arbre à verres devient lustre. Sur une boîte à miroirs ou un œuf, l'artiste écrit : “Je suis fragile" et il pose ces objets au hasard des rues, dont la sienne, la très populaire Rue des Carmes à Orléans.
Dans cette création actuelle pour les Joailliers Adler qui professent depuis leur origine "le culte du beau", la beauté est bien là, l’art devient papillonneraie, à l'air libre, à la mesure d'une brindille aux reflets dorés et d'un battement d'ailes. Légèreté, fragilité, c’est aussi ce travail du fil de fer, une façon de dessiner dans l'espace, ce principe toujours réinventé du mobile. S’inspirant symboliquement des gestes d'un joaillier, la main ciselée, martèle, patine, assemble métal et brillance.
 
Ici celle du cristal les mouvements de la lumière reviennent souvent dans les propos de Benoît Vieubled : la mise en lumière doit devenir mise en scène. II s'agit de la capter de l'intérieur vers l’extérieur, de l'extérieur vers l'intérieur.
 
Le Créateur utilise souvent des matières nobles, mais laissées à l'état brut, et en d’autres temps, une ardoise, un bout de bois flotté qui, quant à eux, passent du simple à l’élaboré.

Et aussi, il faut souvent que ça tinte, que s'instille un retour aux sens immédiat, avec cette idée de fragilité encore, alliée à une joie méditative. Ainsi, ces pièces d’argenterie, que l'artiste a transmuées en banc de poissons bien sonore, souvenir jailli de ses séjours à la Pointe du Raz en Bretagne.
Bien sûr, au fil de ce temps suspendu, chacun pourra penser à Calder, qu'il admire, mais son inspiration de peintre nous emmène aussi au grand maître de l’intemporel, du trait dépouillé, Matisse, ou plus proche de nous, à Miguel Barcelo. Aussi avec, pour lui, son hommage constant à cette leçon inégalable de Paul Klee sur la composition.


Si son art nous touche autant, c’est que, d’une certaine façon, ses œuvres sont des poèmes. Avec leur part d’enfance. Il y a, de ces années fondatrices, l’importance du jeu, le plaisir du toucher, l'espièglerie, ce goût de construire et de déconstruire, l'habitude de ne pas se donner de limite ou de dogme. Ces sources s'étendent au goût depuis toujours de l'ethnologie, des romans de Joseph Conrad, de cette habitude de poser un doigt sur les mappemondes pour s’inventer des voyages immédiats, le jeu de faire fondre les bougies pour mieux apprivoiser la flamme, l'observation de sa mère habile couturière, l'atelier de chaudronnerie du grand-père où, tout seul, dans ce lieu presque oublié, il peut faire ses gammes, articuler des objets ensemble, réunir ce qui paraît incongru avant que la magie opère ou pas. Une célèbre série autour d’une rate, d'un bestiaire et d’un cirque semble sortir tout droit de cet imaginaire vagabond. Danseur figurant d'un soir, lorsqu’il était enfant, dans un ballet de Roland Petit, Benoît Vieubled s'est amusé à représenter, en souris vertigineuse, Zizi (la muse du chorégraphe, la célébrissime Zizi Jeanmaire).


Ces dernières années, son œuvre prend aussi une direction plus engagée, avec notamment cette impressionnante barque couverte de globes lumineux, que l'on vit aussi bien au Musée des Beaux-arts d’Orléans qu'a l’Unesco, une métaphore de la traversée des migrants. Ce message se veut universel, la barque restant volontairement non identifiable. Les globes eux-mêmes sont déplacés, de différentes époques, sans ordre défini, car elle aussi, la géopolitique change. Cette œuvre majeure demeure dans la pénombre, baignée d’une tonalité froide, à l'instar de ces traversées si souvent nocturnes et glaciales.
Que faisons-nous de nos paysages intérieurs ? Les laissons-nous frotter dans une brume qui fera, de la vapeur, un oubli à venir ? Lentement, Benoît Vieubled a choisi d’en tracer plutôt la cartographie. II explore la durée (par la récupération d’objets) et l'instant (celle où l'idée fuse, où la trace entame sa métamorphose). La plupart des œuvres évoquent un mouvement ascensionnel et nous interrogent d'autant plus sur l'attraction terrestre. L’artiste nous invite, avec l'esprit des fables, à nous approcher de l'improbable, à devenir, le temps d’un regard, équilibriste à notre tour.
Ici, les ombres se collectent aussi bien que les rais, les lueurs. Ce très lent travail en atelier doit nous parler du naturel à l'arrivée : pourtant fait de porcelaine, le papillon semble voleter vraiment.


De son atelier vers le monde, d’un paysage intérieur à la réalité la plus tangible, Benoît Vieubled, infatigable explorateur des formes, des matières, fait toujours le pari de nous surprendre et nous convie ici à un nouveau voyage vers la transparence.
 



Carl Norac